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dimanche 26 janvier 2014

Bahnhof der Tränen - Die Grenzübergangsstelle Berlin Friedrichstrasse

Inaugurée le 6 février 1882,  la gare de la Friedrichstrasse est un axe névralgique des transports urbains berlinois pour les liaisons nord-sud et est-ouest. En effet, le quartier de la Friedrichstrasse est devenu dès la fin du 19ème siècle un centre important où se mêlent affaires, commerce et culture.  En 1901, la gare compte 31.000 voyageurs par jour. En 1923, ce chiffre passe à 54.000. Cette même année s’ achevèvent les premiers travaux d’agrandissement et de réaménagement avec la liaison de métro nord-sud. La ligne de S-Bahn nord-sud est quant à elle inaugurée partiellement en 1936, peu avant les Jeux Olympiques, après deux années de travaux.  

Après les bombardements et autres destructions de la seconde guerre mondiale, le trafic reprend progressivement, d’abord en octobre 1945 pour le réseau en surface puis huit mois plus tard est remis en service le tunnel indispensable à la liaison nord-sud. Les travaux de reconstruction s’intensifient à l’été 1948, au moment même où débute le blocus de Berlin-Ouest. Située à l’est de la ville mais empruntée par de nombreux Berlinois de l’Ouest, la gare cristallise l’affrontement idéologique entre les deux blocs. Elle porte aussi la marque des premiers raidissements du régime de la RDA dont la création est officialisée en octobre 1949. Ainsi, la fresque murale de Horst Strempel, qui symbolisait le rôle des travailleurs dans la reconstruction d’un Etat allemand d’inspiration socialiste, a été cachée sous une épaisse couche de peinture au nom de la lutte contre le formalisme dans les arts.   

Surtout, la gare de la Friedrichstrasse était devenue un des principaux points de passage pour les personnes ayant choisi de quitter la RDA et de s’installer en RFA.  En effet, chaque année entre 1950 et 1961, entre 150.000 et 300.000 personnes ont fui la RDA.

Après un rappel précis de l’histoire de la gare et de ses environs de son inauguration jusqu’à la construction du mur en 1961, l’auteur explique ensuite très finement comment ce lieu d’échanges et d’intersections a d’abord dû être colmaté puis réaménagé au fur et à mesure des accords de transit et de passage entre l’est et l’ouest. Après 1961, les voies de la gare ont été ainsi réorganisées : la voie A concernait les longs trajets (notamment internationaux), la voie B concernait les S-Bahn en direction de l’ouest et la voie C les S-Bahn vers l’est. Entre les voies B et C a été érigée une verrière remplacée par une installation en acier qui tenait lieu de mur dans l’enceinte de la gare.

Photo prise au musée du S-Bahn à Berlin en novembre 2013
Régis Brajon


En août 1962 est inauguré le point de passage permettant de traverser la frontière, mais uniquement d’est en ouest (Ausreisehalle)

Photo mise à disposition par les Archives de la RFA sur Wikipedia


Celui-ci est rapidement surnommé le Palais des Larmes ou Tränenpalast. Les Berlinois de l’est devaient ici se séparer de leurs amis ou parents poursuivant leur voyage vers l’ouest. Les formalités dans l’enceinte de ce Palais des Larmes se déroulaient en trois phases bien distinctes. Un premier contrôle visuel était effectué sur les passeports et autres visas. Dans un second temps se déroulaient les formalités douanières à proprement parler. Enfin, un contrôle approfondi de tous les papiers et documents nécessaires au passage de la frontière se faisait sous la responsabilité des agents appartenant aux unités de contrôle des passeports (PKE).

L’activité au sein de ce bâtiment s’intensifie au fur et à mesure que se développent les accords de passage entre la RFA et la RDA. Les premiers accords de 1963 et 1964 préfigurent ceux qui vont être signés à l’échelle des deux pays en 1972.

Photo mise à disposition par les Archives de la RFA sur Wikipedia


Le grand mérite du livre de Philipp Springer est de décrire avec vivacité et à travers de nombreuses expériences personnelles l’impact de ces développements historiques sur la vie quotidienne des personnes concernées. Cela vaut pour les différents services est-allemands en charge de la surveillance de la frontière (relations entre les services de douane, la Stasi et la police des transports ou celle des frontières), pour la compagnie ferroviaire est-allemande (die Deutsche Reichbahn ou DR) ou encore pour les premiers bénéficiaires des accords de passage comme par exemple les retraités est-allemands.

La gare de la Friedrichstrasse et ses alentours ont ainsi été un lieu important de commerce pour la RDA. Le change obligatoire minimum, porté jusqu’à 25 DM au taux de 1 pour 1, permettait l’injection dans l’économie est-allemande de sommes importantes. De la même façon,  les Intershops, ouverts uniquement aux détenteurs de devises convertibles, permettaient à la RDA d’obtenir des devises fortes et  aux occidentaux de se procurer des articles à prix détaxés ou avantageux.

Une boutique Intershop à la station Friedrichstrasse
Photo appartenant au domaine public


L’auteur rappelle également que les dédales souterrains de la gare ont permis au régime de la RDA d’exfiltrer des membres de la Fraction Armée Rouge (RAF) recherchés sur le territoire de la RFA et à Berlin-Ouest. Dans le sens inverse, Werner Stiller, un agent double spécialisé dans l’espionnage des physiciens, est passé d’est en ouest.

Plus que par le récit des fuites ou des tentatives de fuite vers Berlin-Ouest, cet ouvrage se distingue car il rappelle à juste titre que la gare a joué un rôle important dans les relations entretenues par les deux Etats allemands avec le reste de la communauté internationale. Parce qu’elle était soumise à un statut particulier, la ville de Berlin-Ouest était accessible sans visa. Pour de nombreux réfugiés, la gare de la Friedrichstrasse représentait ainsi une dernière étape, après avoir atterri à l’aéroport de Schönefeld, avant de s’établir à Berlin Ouest.

Un autre point fort du livre concerne l’attention portée aux différents mouvements de protestation qui se sont matérialisés au cœur de la gare ou son environnement immédiat. En dehors d’actions individuelles menées dans les années 1970, l’auteur livre plusieurs témoignages sur la généralisation des demandes de sortie définitives de la RDA « Ausreiseanträge » (10 demandes pour 1.000 habitants en 1988 et 12 demandes pour 1.000 habitants en 1989). Est ainsi évoqué en détail le cas du « Reisegruppe 88 » dans lequel s’étaient regroupés des candidats au départ définitif de la RDA vers la RFA dans les années 87-88.

Auteur de la photo : Frits Wiarda (1989).


Après la chute du mur le 9 novembre 1989, la gare a accueilli jusqu’à 250.000 voyageurs par jour. De juin à juillet 1990, toutes les installations qui avaient fait de la gare un passage-frontière ont été démantelées. En novembre de la même année disparaît le mur entre les quais B et C.


A partir de 1991 et pendant 15 ans, l’ancien Ausreisehalle est devenu une discothèque où étaient organisés régulièrement des concerts et autres manifestations culturelles. Après la vente du terrain, une concession a finalement été accordée à la fondation de la Maison de l’histoire de la République fédérale allemande qui y organise depuis septembre 2011 une exposition permanente sur la frontière inter-allemande.

Philipp Springer : Bahnhof der Tränen - Die Grenzübergangsstelle Berlin-Friedrichstrasse, 224 Pages, 2013 - Ch. Links

samedi 20 juillet 2013

Bruce Springsteen- Rocking the wall- The Berlin Concert that changed the World

Erik Kirschbaum
2013- 136 pages
Editions Berlinica
Le concert de Bruce Springsteen à Berlin-Est le 19 juillet 1988 a pu être organisé alors même que les différentes parties prenantes avaient pourtant des objectifs quelque peu divergents. Pour le musicien américain, il s'agissait de concrétiser un projet qui lui tenait à coeur depuis sa première visite de l'autre côté du mur en 1981. Pour le régime de la RDA, il devenait urgent d'adopter une attitude plus conciliante envers la musique venue de l'ouest et les attentes que celle-ci cristallisait auprès de la jeunesse de la RDA. 

Face à l'organisation de jeunesse de l'Etat est-allemand (Freie Deutsche Jugend ou FDJ) s'était développée une contre-culture qui puisait de nombreuses références dans le rock anglo-saxon. Ainsi, Erik Kirschbaum rappelle la rumeur selon laquelle les Rolling Stones devaient jouer en avril 1969 sur le toit de l'immeuble de l'éditeur de presse Axel Springer non loin de Checkpoint Charlie. Plusieurs milliers de jeunes s'étaient ainsi massés en vain auprès du mur.

Après une période de stabilisation de la RDA et de décrispation, plusieurs groupes se sont vus interdire d'antenne pour des textes jugés trop critiques à l'égard du régime comme par exemple Klaus Renft Combo au milieu des années 1970. Une décennie plus tard, la situation était encore bien plus tendue. Sur fond de crise économique, de manque de devises fortes et de dettes, la RDA faisait preuve de réticences quant à la politique de Glasnost et de Perestroika insufflée par Michael Gorbachev. 

En 1987, pour célébrer les 750 ans de la création de Berlin, les deux parties de la ville ont organisé des festivités le plus souvent concurrentes. A proximité immédiate du Reichstag, à Berlin-Ouest, se sont ainsi tenus plusieurs concerts pour Berlin avec la participation de Genesis ou encore Eurythmics. Ces derniers ont provoqué des rassemblements de foule et plus encore des affrontements avec la police à Berlin-Est avec plus de 200 arrestations. Alors que d'autres concerts à risque se profilaient à l'été 1988 avec l'arrivée par exemple de Michael Jackson à Berlin-Ouest, il était devenu urgent pour les autorités de Berlin-Est de réagir.

A l'initiaitive de la FDJ, plusieurs concerts ont été organisés pour proposer à la jeunesse de l'Allemagne de l'Est une offre concurrente à ce qu'elle était tentée d'aller chercher trop près du mur. Après le canadien Bryan Adams, Bruce Springsteen a donc été sondé pour savoir s'il accepterait de donner un concert à l'Est. 

Si un accord a vite été trouvé, tout aurait pu être remis en cause par la coloration politique que les dirigeants du parti socialiste unifié (SED) ont voulu donner à la manifestation. Alors que B. Springsteen ne prétendait à rien d'autre qu'à faire de la musique, le concert était devenu pour certains un instrument de soutien au Nicaragua des Sandinistes. Après le retrait des pancartes et affiches incriminées la veille, le concert a pu se tenir. Pendant plus de 4 heures, B. Springsteen a pu forger une relation toute particulière avec son public d'un soir agitant des drapeaux américains assemblés pour l'occasion.  Souhaitant en allemand la fin des barrières, il ne se doutait pas que le public est-allemand connaissait aussi bien les paroles de ses chansons. 

La thèse de l'auteur est que ce concert, en ayant des conséquences totalement opposées à celles espérées par le régime de la RDA, a participé à la chute du mur 16 mois après, le 9 novembre 1989. Certains rapprochements sont en effet très tentants : comme la police aux frontières a laissé passer la foule sur le pont de la Bornholmer Strasse, les organisateurs ont renoncé à filtrer les entrées à l'entrée du concert qui a renforcé chez de nombreux spectateurs une volonté de changement qui allait déjà en se développant. 






dimanche 24 juin 2012

Die Berliner Currywurst

Petra Boden
Die Berliner Currywurst
223 Pages (2010)
be.bra verlag GmbH
Petra Boden, qui s'est spécialisée dans l'histoire de la culture allemande, construit son ouvrage sur un constat irréfutable : la saucisse au Curry est devenue un objet culte, un symbole de Berlin et ce dans tous les quartiers comme au sein de toutes les classes sociales. 

Plutôt que de s'attarder sur les polémiques quant aux origines de cette saucisse, par exemple entre Hambourg et Berlin, l'auteur s'attache notamment à décrire son cheminement des classes ouvrières et populaires jusqu'aux tables de l'Hôtel Adlon sur la Pariser Platz au pied de la Porte de Brandebourg.  

Pour ce faire, son livre est organisé en sept chapitres qui sont autant d'occasions de déguster une saucisse, de vivre au contact des vendeurs et de leurs clients au cours d'une seule et même journée : saucisse au petit-déjeuner, le matin, pour le déjeuner, pour le goûter en lieu et place d'un gâteau, au cours de la nuit....
Petra Boden se concentre sur plusieurs Imbiss emblématiques dont les histoires se croisent et se recroisent : Konnopke à Prenzlauer Berg, Curry 36 à Kreuzberg, Krasselt à Steglitz ou encore Bier entre autres sur le Kudamm.

La création de la Currywurst est communément attribuée à  Herta Heuwer. Cette dernière a développé en septembre 1949 une sauce appelée "Chillup"qui a été brevetée dix ans plus tard. En 1960, un an avant la construction du mur de Berlin, la famille Konnopke est la première à proposer une Currywurst à Berlin-Est. Depuis lors, les recettes de saucisses au curry, et plus encore de sauces, se sont multipliées à tel point qu'il est devenu difficile d'envisager une protection de la marque Currywurst à l'échelle européenne. En effet, si la saucisse de Nuremberg est protégée depuis 2003 et celle de Thuringe depuis 2004, le comité de défense des intérêts des producteurs de saucisses de tradition de Berlin a entamé des démarches similaires à l'été 2007. Pourtant, il existe toujours des différences notables sur ce qu'on entend par Currywurst qui font obstacle à cette reconnaissance. Ansi, si à l'est la saucisse est généralement sans boyau, c'est le contraire à l'ouest. Des différences substantielles existent encore et toujours sur les méthodes de préparation et de cuisson comme sur le contenu même de la sauce.

Au-delà des anecdotes sur la façon de commander des habitués (Stammkunden), sur ce qui fait le secret et le succès des quatre grands Imbiss cités, le livre de Petra Boden explique très bien comment la chute du mur a bouleversé la clientèle de chacun et ses habitudes. Ainsi, Konnopke a attendu longtemps après la chute du mur que de longues queues se reforment devant son Imbiss. Entre temps, les propriétaires ont dû faire évoluer leur menu en y intégrant par exemple les pommes-frites. Il a fallu s'habituer à de nouvelles règles administratives en matière d'occupation de l'espace public à des fins commerciales ou de protection des monuments classés. De la même façon, chez Curry 36, on se souvient avec émotion de l'arrivée des berlinois de l'est à partir de novembre 1989.

Qu'ils soient de l'est ou de l'ouest de Berlin, ces quatre Imbiss ont donc connu des changements importants dans leur clientèle. A l'ouest, ils ont pu bénéficier de l'ascension sociale de certains clients qui, restés fidèles à l'endroit fréquenté depuis leur enfance, ont contribué à faire évoluer son image. A l'est, après une période d'adaptation,  Konnopke sert une clientèle qui s'est diversifiée et internationalisée. Les anciens ouvriers peuvent côtoyer les artistes et autres professions libérales.

Les Imbiss mentionnés sont devenus des piliers de la vie sociale de leurs quartiers à tel point qu'ils sont devenus des sujets d'étude pour des documentaires produits par des télévisions étrangères. Mis en concurrence lors de compétitions, d'enquêtes et de sondages visant à déterminer une bonne fois pour toutes qui fait la meilleure saucisse au Curry de Berlin, les imbiss ont pu servir de décor aux séries télévisée ""Drei Damen vom Grill" ou même "Tatort". Le récent musée de la Currywurst consacre d'ailleurs une part de son exposition à la place de celle-ci dans la culture populaire allemande.

Une saucisse au Curry accompagnée d'une grosse portion de frites ("Pommes")
Konnopke Mai 2012  



dimanche 7 mars 2010

Les Alliés et la Culture-- Berlin 1945-1949


Bernard Genton
PUF- Politique d'aujourd'hui
451 Pages- 1998

Entre 1945 et 1949, les rapports entre alliés vont changer de nature. La volonté de coopérer née à la fin de la guerre se dissipe après quelques mois. D'abord latent, l'affrontement se fait de plus en plus direct. Les Russes quittent le Conseil de Contrôle, l'instance quadripartite en charge de l'ensemble de l'Allemagne, en mars 1948. Ils font de même en juin pour la Kommandatura, compétente pour la ville de Berlin. A l'hiver 1946-1947, se met en place la bizone. En 1948, la réforme monétaire sert de prétexte au blocus de la partie ouest de la ville. L'échec de ce dernier accélère la partition de l'Allemagne en deux Etats séparés.


A la chute de Berlin en mai 1945, les troupes soviétiques se rendent maîtres de la ville. Les alliés, en premier lieu britanniques et américains, ne seront sur place que deux mois plus tard. A ce stade, les alliés tombent d'accord pour laisser en l'état ce qui a été mis en place par l'armée rouge. Les observateurs de toutes tendances parleront de "printemps culturel" pour saluer notamment l'action de Nicolas Bersarine en matière culturelle. Les alliés anglo-saxons ont eu davantage de difficultés à appréhender la dimension politique de toute action culturelle. Pour les Etats-Unis, par exemple, le revirement se fera pleinement à l'été 1947. Derniers arrivés, les représentants français se heurteront le plus souvent aux réticences des autres alliés et ne parviendront pas à faire valoir leurs points de vue. Bernard Genton détaille à cet égard les cas de la colonne de la victoire ou de l'exposition sur les crimes hitlériens. La Siegessäule ne sera pas détruite alors que l'exposition sur les crimes ne verra jamais le jour.


L'auteur évoque les cas de Wilhelm Furtwängler (chef d'orchestre) et de Gustav Gründgens (metteur en scène) en matière de dénazification. La bataille se fait presque à front renversé car les Américains se montrent ici les plus exigeants.


L'activité cinématographique était en vogue pendant la guerre. Pour l'année 1945, 72 films avaient été prévus. La société UFA (Universum Film Aktien Gesellschaft) avait fusionné avec d'autres producteurs et en 1939 la ville de Balbelsberg avait été intégrée à celle de Potsdam.


Au sortir de la guerre, les alliés avaient interdit toute activité économique en matière cinématographique. Ils ont ensuite organisé des opérations de "screening" visant à vérifier le passé de tout intervenant potentiel dans le domaine du cinéma.


"Les meurtriers sont parmi nous" est le premier film produit à Berlin après la fin de la guerre. Il vient de la DEFA (Deutsche Film AG), la société de production mise en place par les soviétiques. Les Américains hésitent entre plusieurs options possibles. L'échec de la politique de culpabilisation symbolisée par le film "les moulins de la mort", un documentaire sur les camps de la mort, les poussent à modifier leur politique. Il s'agira dorénavant de divertir en projetant une image positive des Etats-Unis.


Les films soviétiques, jugés beaucoup trop politisés, seront toujours boudés par le public berlinois. Il en sera de même pour les pièces de théâtre comme celle de Constantin Simonov, "la question russe", qui tente d'opposer deux Amériques bien opposées (celle des arrivistes face à celle de Lincoln).


Ce qui marque dans le livre de Bernard Genton, c'est la capacité du public berlinois à s'approprier certaines des oeuvres qui lui sont présentées. C'est par exemple le cas de la pièce de Thornton Wilder "the color of our teeth" où les héros vivent d'éternels recommencements en puisant dans les arts ou les véritables valeurs humaines ou de celle de Jean Anouilh "Antigone".


Le problème est quelque peu différent en ce qui concerne la pièce de Jean-Paul Sartre "les Mouches" montée par Jürgen Fehling. Alors que la mise en scène est applaudie, le texte est critiqué. Même s'il a donné lieu à des discussions intéressantes sur le thème du repentir, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir ne conservent pas un grand souvenir de leur voyage à Berlin entre janvier et février 1948. Pour la France, il s'agissait surtout de redorer son image comme lors d'une exposition consacrée à la peinture moderne dès 1946.


Alors que chacune des puissances alliées bâtit sa propre maison de la culture, l'action culturelle des alliés prend une toute autre signification au moment du blocus de Berlin entre juin 1948 et mai 1949. A travers celle-ci, les alliés réaffirment de façon très symbolique qu'ils ne quitteront pas Berlin.


Melvin Lasky, apparu au congrès des écrivains allemands en 1947, a encore l'occasion de rapprocher fascisme et communisme dans la revue culturelle d'inspiration américaine "Der Monat" qui décline toutes les variantes du libéralisme tout en s'opposant de façon catégorique au fascisme. Cette revue fait une grande place à des socialistes repentis comme Arthur Koetsler l'auteur du roman "Le Zéro et l'infini" ou "Darkness at Noon" en version originale dénonçant les procès de Moscou des années 1930.


Il en est de même pour les britanniques qui s'investissent pleinement dans le festival élisabéthain et qui font venir des philosophes prestigieux comme Bertrand Russell ou des poètes comme TS Eliot.


Enfin, Berlin sera le réceptacle de la controverse sur le statut et les droits de la population noire aux Etats-Unis à l'occasion de la publication d'une anthologie consacrée à la poésie noire américaine du côté soviétique. Alors que les autorités soviétiques et est-allemandes se plaisaient à insister sur ce point (voir par exemple la rue Paul Robeson à Prenzlauer Berg ou les manifestations en faveur d'Angela Davis toujours à Berlin-est), la guerre froide aura au moins accéléré les efforts d'intégration aux Etats-Unis.