dimanche 24 juin 2012

Die Berliner Currywurst

Petra Boden
Die Berliner Currywurst
223 Pages (2010)
be.bra verlag GmbH
Petra Boden, qui s'est spécialisée dans l'histoire de la culture allemande, construit son ouvrage sur un constat irréfutable : la saucisse au Curry est devenue un objet culte, un symbole de Berlin et ce dans tous les quartiers comme au sein de toutes les classes sociales. 

Plutôt que de s'attarder sur les polémiques quant aux origines de cette saucisse, par exemple entre Hambourg et Berlin, l'auteur s'attache notamment à décrire son cheminement des classes ouvrières et populaires jusqu'aux tables de l'Hôtel Adlon sur la Pariser Platz au pied de la Porte de Brandebourg.  

Pour ce faire, son livre est organisé en sept chapitres qui sont autant d'occasions de déguster une saucisse, de vivre au contact des vendeurs et de leurs clients au cours d'une seule et même journée : saucisse au petit-déjeuner, le matin, pour le déjeuner, pour le goûter en lieu et place d'un gâteau, au cours de la nuit....
Petra Boden se concentre sur plusieurs Imbiss emblématiques dont les histoires se croisent et se recroisent : Konnopke à Prenzlauer Berg, Curry 36 à Kreuzberg, Krasselt à Steglitz ou encore Bier entre autres sur le Kudamm.

La création de la Currywurst est communément attribuée à  Herta Heuwer. Cette dernière a développé en septembre 1949 une sauce appelée "Chillup"qui a été brevetée dix ans plus tard. En 1960, un an avant la construction du mur de Berlin, la famille Konnopke est la première à proposer une Currywurst à Berlin-Est. Depuis lors, les recettes de saucisses au curry, et plus encore de sauces, se sont multipliées à tel point qu'il est devenu difficile d'envisager une protection de la marque Currywurst à l'échelle européenne. En effet, si la saucisse de Nuremberg est protégée depuis 2003 et celle de Thuringe depuis 2004, le comité de défense des intérêts des producteurs de saucisses de tradition de Berlin a entamé des démarches similaires à l'été 2007. Pourtant, il existe toujours des différences notables sur ce qu'on entend par Currywurst qui font obstacle à cette reconnaissance. Ansi, si à l'est la saucisse est généralement sans boyau, c'est le contraire à l'ouest. Des différences substantielles existent encore et toujours sur les méthodes de préparation et de cuisson comme sur le contenu même de la sauce.

Au-delà des anecdotes sur la façon de commander des habitués (Stammkunden), sur ce qui fait le secret et le succès des quatre grands Imbiss cités, le livre de Petra Boden explique très bien comment la chute du mur a bouleversé la clientèle de chacun et ses habitudes. Ainsi, Konnopke a attendu longtemps après la chute du mur que de longues queues se reforment devant son Imbiss. Entre temps, les propriétaires ont dû faire évoluer leur menu en y intégrant par exemple les pommes-frites. Il a fallu s'habituer à de nouvelles règles administratives en matière d'occupation de l'espace public à des fins commerciales ou de protection des monuments classés. De la même façon, chez Curry 36, on se souvient avec émotion de l'arrivée des berlinois de l'est à partir de novembre 1989.

Qu'ils soient de l'est ou de l'ouest de Berlin, ces quatre Imbiss ont donc connu des changements importants dans leur clientèle. A l'ouest, ils ont pu bénéficier de l'ascension sociale de certains clients qui, restés fidèles à l'endroit fréquenté depuis leur enfance, ont contribué à faire évoluer son image. A l'est, après une période d'adaptation,  Konnopke sert une clientèle qui s'est diversifiée et internationalisée. Les anciens ouvriers peuvent côtoyer les artistes et autres professions libérales.

Les Imbiss mentionnés sont devenus des piliers de la vie sociale de leurs quartiers à tel point qu'ils sont devenus des sujets d'étude pour des documentaires produits par des télévisions étrangères. Mis en concurrence lors de compétitions, d'enquêtes et de sondages visant à déterminer une bonne fois pour toutes qui fait la meilleure saucisse au Curry de Berlin, les imbiss ont pu servir de décor aux séries télévisée ""Drei Damen vom Grill" ou même "Tatort". Le récent musée de la Currywurst consacre d'ailleurs une part de son exposition à la place de celle-ci dans la culture populaire allemande.

Une saucisse au Curry accompagnée d'une grosse portion de frites ("Pommes")
Konnopke Mai 2012