samedi 20 juillet 2013

Bruce Springsteen- Rocking the wall- The Berlin Concert that changed the World

Erik Kirschbaum
2013- 136 pages
Editions Berlinica
Le concert de Bruce Springsteen à Berlin-Est le 19 juillet 1988 a pu être organisé alors même que les différentes parties prenantes avaient pourtant des objectifs quelque peu divergents. Pour le musicien américain, il s'agissait de concrétiser un projet qui lui tenait à coeur depuis sa première visite de l'autre côté du mur en 1981. Pour le régime de la RDA, il devenait urgent d'adopter une attitude plus conciliante envers la musique venue de l'ouest et les attentes que celle-ci cristallisait auprès de la jeunesse de la RDA. 

Face à l'organisation de jeunesse de l'Etat est-allemand (Freie Deutsche Jugend ou FDJ) s'était développée une contre-culture qui puisait de nombreuses références dans le rock anglo-saxon. Ainsi, Erik Kirschbaum rappelle la rumeur selon laquelle les Rolling Stones devaient jouer en avril 1969 sur le toit de l'immeuble de l'éditeur de presse Axel Springer non loin de Checkpoint Charlie. Plusieurs milliers de jeunes s'étaient ainsi massés en vain auprès du mur.

Après une période de stabilisation de la RDA et de décrispation, plusieurs groupes se sont vus interdire d'antenne pour des textes jugés trop critiques à l'égard du régime comme par exemple Klaus Renft Combo au milieu des années 1970. Une décennie plus tard, la situation était encore bien plus tendue. Sur fond de crise économique, de manque de devises fortes et de dettes, la RDA faisait preuve de réticences quant à la politique de Glasnost et de Perestroika insufflée par Michael Gorbachev. 

En 1987, pour célébrer les 750 ans de la création de Berlin, les deux parties de la ville ont organisé des festivités le plus souvent concurrentes. A proximité immédiate du Reichstag, à Berlin-Ouest, se sont ainsi tenus plusieurs concerts pour Berlin avec la participation de Genesis ou encore Eurythmics. Ces derniers ont provoqué des rassemblements de foule et plus encore des affrontements avec la police à Berlin-Est avec plus de 200 arrestations. Alors que d'autres concerts à risque se profilaient à l'été 1988 avec l'arrivée par exemple de Michael Jackson à Berlin-Ouest, il était devenu urgent pour les autorités de Berlin-Est de réagir.

A l'initiaitive de la FDJ, plusieurs concerts ont été organisés pour proposer à la jeunesse de l'Allemagne de l'Est une offre concurrente à ce qu'elle était tentée d'aller chercher trop près du mur. Après le canadien Bryan Adams, Bruce Springsteen a donc été sondé pour savoir s'il accepterait de donner un concert à l'Est. 

Si un accord a vite été trouvé, tout aurait pu être remis en cause par la coloration politique que les dirigeants du parti socialiste unifié (SED) ont voulu donner à la manifestation. Alors que B. Springsteen ne prétendait à rien d'autre qu'à faire de la musique, le concert était devenu pour certains un instrument de soutien au Nicaragua des Sandinistes. Après le retrait des pancartes et affiches incriminées la veille, le concert a pu se tenir. Pendant plus de 4 heures, B. Springsteen a pu forger une relation toute particulière avec son public d'un soir agitant des drapeaux américains assemblés pour l'occasion.  Souhaitant en allemand la fin des barrières, il ne se doutait pas que le public est-allemand connaissait aussi bien les paroles de ses chansons. 

La thèse de l'auteur est que ce concert, en ayant des conséquences totalement opposées à celles espérées par le régime de la RDA, a participé à la chute du mur 16 mois après, le 9 novembre 1989. Certains rapprochements sont en effet très tentants : comme la police aux frontières a laissé passer la foule sur le pont de la Bornholmer Strasse, les organisateurs ont renoncé à filtrer les entrées à l'entrée du concert qui a renforcé chez de nombreux spectateurs une volonté de changement qui allait déjà en se développant. 






samedi 6 juillet 2013

Simon Schwartz - Drüben

118 pages
avant-verlag Editions
Cinquième édition 2013
Parue une première fois en 2009 à l'occasion du vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin, cette bande-dessinée est une oeuvre de fin d'étude. La présente réédition reprend de larges extraits d'un entretien accordé par l'auteur en juillet 2010 au cours duquel ce dernier revient sur ses recherches, ses souvenirs étonnement précis pour un petit garçon, son style graphique ou encore sur ses choix quant à l'organisation chronologique de sa bande dessinée. 

Drüben, c'est-à-dire de l'autre côté, permet à l'auteur de revenir sur des événements et sur des choix qui ont marqué l'histoire de sa propre famille. Simon Schwartz est en effet né en 1982 dans le Land de Thuringe. Alors que ses grands-parents paternels étaient, avant la seconde guerre mondiale, membres du Parti Communiste (KPD), la famille de sa mère entretenait de nombreux contacts avec des parents vivant en Allemagne de l'Ouest. Ces différences expliquent en grande partie pourquoi les parents de Simon réagissent différemment quand certains de leurs amis déposent dans la seconde moitié des années 1970 des demandes officielles pour pouvoir quitter définitivement le territoire de la RDA et aller s'installer à l'ouest. Quand la mère se décide la première à partir, le père semble d'abord peu enclin à la suivre. 

Son état d'esprit va grandement évoluer quand, alors qu'il est enseignant, on lui demande de justifier l'intervention soviétique en Afghanistan devant certains de ses élèves. Alors qu'il lui est difficile de trouver de tels arguments, on lui tend un discours déjà préparé à cet effet. L'émigration s'impose alors comme une évidence pour le couple et son enfant même si cette demande a naturellement de graves conséquences pour la famille. Ainsi, le père ne peut plus travailler et devient un suspect désigné auprès des autorités et de la police. Dans le même temps, son épouse, restauratrice pour une église, est victime de menaces et d'intimidations. 

En 1984, la demande d'émigration de la famille aboutit enfin. Après avoir passé la frontière à la gare de la Friedrichstrasse, la famille s'installe dans le quartier de Kreuzberg à Berlin-Ouest situé tout juste de l'autre côté du mur.

Les aspects personnels et familiaux de cette bande dessinée sont les plus touchants. Très simplement, l'auteur illustre comment des différences idéologiques ont provoqué une fracture profonde au sein de sa famille. Alors qu'il a toujours maintenu des contacts réguliers avec ses grands-parents maternels, Simon n'a revu ses grands-parents paternels qu'après la réunification. La bande-dessinée débute par la première lette de son père aux grands-parents depuis son départ pour Berlin-Ouest et Kreuzberg trois ans auparavant. La seconde page se termine par une vignette signalant le refus de ces derniers de reprendre contact avec leur fils. Pour autant, le travail de Simon Schwartz dans cette bande-dessinée démontre que cette rupture n'était pas définitive.